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Naviguer à travers la tempête : La résilience de Kaptcher dans la crise de l’immobilier

26 septembre 2024
Emile Wallon
Program Manager WILCO Industry
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Levées de fonds spectaculaires et croissances exponentielles : les réseaux sociaux et les médias regorgent de success stories de startups de l’écosystème français. Loin des récits habituels de réussite sans faille, cet article se penche sur l’histoire de Kaptcher, une jeune entreprise proptech qui a dû naviguer à travers la tempête de la crise de l’immobilier. Nous avons eu le plaisir de discuter avec Guillaume Frécaut, président et cofondateur de Kaptcher, qui nous a partagé son récit des débuts de Kaptcher et les leçons de résilience et de détermination tirées des tumultes récents du marché de l’immobilier en 2023.

 

Créée en mai 2020, Kaptcher vise à être le partenaire de la performance des développeurs fonciers et immobiliers  au quotidien, en répondant à trois de leurs besoins : la mise en relation exclusive avec des propriétaires vendeurs de biens adaptés à leurs besoins ; la centralisation des données immobilières et urbanistiques permettant de juger de la pertinence d’un projet ; le suivi de la relation avec les propriétaires jusqu’à la signature de l’acte de vente.    Kaptcher est aujourd’hui dirigée par Guillaume Frecaut (CEO) et Maxime Leveau (CTO). La société a été accompagnée et financée par WILCO en 2022.

Guillemets - Bleu

Notre première réaction a été de ne pas croire à l’ampleur de la crise. Lorsqu’on crée sa boîte, il faut une force de conviction, et il est difficile d’admettre que le marché peut se retourner aussi brutalement. Il est naturel de penser que les problèmes sont temporaires.

Guillaume Frecaut, CEO de Kaptcher.

La Genèse de Kaptcher

Kaptcher n’est pas née par hasard. « La création de Kaptcher faisait écho à des réflexions mûries aux États-Unis, où j’ai eu la chance de travailler  et de rencontrer divers acteurs du secteur immobilier. À travers ces échanges, nous avons identifié un besoin crucial : les promoteurs immobiliers, les bailleurs sociaux et d’autres acteurs peinent à entrer en contact avec le bon propriétaire du bon bien au bon moment. C’est pourtant leur matière première et ça a été le fer de lance de Kaptcher. »

 

Guillaume explique que cette problématique a été le catalyseur de la création de Kaptcher. « Nous avons discuté avec des clients professionnels en France et aux États-Unis, tels que les promoteurs immobiliers et les foncières. Tous ont confirmé la nécessité d’une solution comme celle que nous envisagions. Cette validation du marché a été cruciale pour nous. Nous n’aurions pas lancé Kaptcher sans l’avoir au préalable. »

Une croissance initiale prometteuse

Guillaume décrit avec enthousiasme les débuts de l’entreprise, marqués par une adoption rapide de leur solution. «L’histoire de Kaptcher c’est avant tout une histoire de croissance et de rentabilité. Dès le départ, en pleine crise sanitaire, nous avons eu la chance de rencontrer des clients qui nous ont fait confiance et de générer du chiffre d’affaires. Cela a confirmé que notre idée répondait à un véritable besoin du marché, notre objectif était de créer de la valeur pour nos clients mais aussi pour Kaptcher. Nous avons été rentables dès le premier exercice et avons doublé le chiffre d’affaires dès l’année suivante en bootstrappant. La frugalité est aussi une des valeurs de Kaptcher, l’objectif était de faire beaucoup avec peu ! »

L’un des aspects clés de cette réussite initiale a été la capacité de Kaptcher à être à l’écoute des clients. « Nous avons développé notre produit en étroite collaboration avec nos clients. Chaque nouvelle fonctionnalité chez nous vient d’une demande de nos clients. » Cette approche itérative a permis à Kaptcher de créer un produit qui répondait parfaitement aux attentes du marché.

Un autre pilier de cette croissance a été la culture d’entreprise. « Dès les premiers mois, nous avons compris qu’il était crucial que tous les membres de l’équipe soient alignés sur une vision commune pour aller loin ensemble dans une aventure que nous voulions longue et ambitieuse . Nous avons tous investi beaucoup de temps et d’énergie pour forger collectivement cette culture. L’équipe, c’est la principale force de Kaptcher, en temps propices comme en temps de crise.» Cette culture d’entreprise forte a permis de créer une équipe soudée, prête à relever les défis ensemble.

« Après 2 exercices positifs, l’ambition de Kaptcher a atteint un palier et c’est assez naturellement à ce moment-là qu’on a commencé à se rapprocher d’investisseurs potentiels prêts à nous faire confiance et de structures comme WILCO pour nous aider à grandir, à structurer notre croissance et à nous financer. Dans la foulée, nous avons réalisé une levée de fonds pré-seed sur une boîte rentable pour nourrir cette croissance. »

La levée de fonds est actée le 10 janvier 2023 et Kaptcher prépare son scale. Sur les premiers mois de l’année 2023, la société connaît une croissance de 30% de son chiffre d’affaires mensuel, le nombre de clients augmente, les finances sont au vert et les fondateurs recrutent de nouvelles têtes motivées et talentueuses qui portent le total de l’équipe à 10 personnes.

Les défis de la crise de l’immobilier

Le marché de l’immobilier se retourne en passant d’une année 2022 exceptionnelle à une année 2023 très compliquée. Les transactions immobilières chutent de 22% et la vente de logements neufs de 26% avec l’augmentation des taux d’intérêt, la hausse des coûts de construction et la baisse du nombre de permis de construire. Cette crise touche particulièrement les clients sur lesquels Kaptcher s’est focalisée dans un premier temps : les promoteurs immobiliers.

Comme toute entreprise du secteur, Kaptcher n’a pas été épargnée par les difficultés. La récente crise de l’immobilier a été un choc qui a mis à l’épreuve la résilience de l’entreprise. Guillaume partage avec émotion les défis rencontrés et les solutions mises en place pour y faire face.

« Notre première réaction a été de ne pas croire à l’ampleur de la crise. Lorsqu’on crée sa boîte, il faut une force de conviction, et il est difficile d’admettre que le marché peut se retourner aussi brutalement. Il est naturel de penser que les problèmes sont temporaires ».

Les signes avant-coureurs étaient là, mais difficiles à accepter. Guillaume raconte que, petit à petit, les rendez-vous clients deviennent moins concluants et un premier client historique arrête son abonnement. « Nous avons commencé à entendre que certains de nos clients ne pouvaient plus se permettre de payer pour nos services. Au début, je pensais que c’était juste un nouvel argument de négociation, un peu comme pendant le COVID où certains clients utilisaient la pandémie comme levier pour renégocier les contrats. On n’a pas pensé que c’était le marché, on s’est dit qu’on était peut-être devenus paresseux dans la vente et qu’il fallait retravailler notre approche. A ce moment-là, les vraies raisons sont floues et personne parmi nos interlocuteurs ne met encore de mots sur la situation. »

Au fil des mois, la situation empire et l’équipe prend conscience de l’ampleur de la crise. « Un autre client arrête son abonnement, puis un troisième, puis ça s’accélère et il est devenu clair que nous faisions face à une véritable crise. La machine commerciale s’enraye aussi, on continue à parler à des acteurs mais on a l’impression de parler dans le vent.. »

Les relations solides avec les clients n’ont pas suffi à empêcher les résiliations. « Nous avons eu des churns avec des clients avec qui nous avions des relations personnelles et professionnelles excellentes. Quand ils nous disent qu’ils ne peuvent plus nous payer parce qu’ils n’ont même plus le budget pour maintenir leur propre équipe ou plus d’instructions claires de leur direction, c’est dur. » Guillaume se souvient de conversations émouvantes avec des clients qui, malgré leur enthousiasme pour le produit, devaient mettre fin à leur collaboration faute de moyens.

Il explique que la nature de ces résiliations était particulièrement difficile à gérer. « Certains clients ou prospects sont licenciés du jour au lendemain après des ruptures de période d’essai, certains nous partagent des situations personnelles difficiles. Les discussions avec ces personnes à longueur de journée ont un impact sur le moral et c’est difficile de garder le cap et la motivation.»

Guillaume souligne l’importance de rester pragmatique en période de crise. « Dès que nous avons pris la mesure de la situation, nous avons dû prendre des mesures drastiques pour assurer la survie de l’entreprise, même si ce n’était pas facile à accepter, sortant d’une période de forte croissance. Cela incluait des coupes budgétaires sévères, le report de certains projets et une focalisation accrue sur notre cœur de métier. »

La crise a eu un impact significatif sur les finances de Kaptcher. « Nous avons dû revoir notre budget, réduire nos dépenses et chercher des moyens de maintenir notre rentabilité malgré la baisse des revenus. » Cela a impliqué des décisions difficiles, comme le gel des embauches, la révision des prévisions de croissance et la réduction des coûts opérationnels. La crise a également mis à l’épreuve la résilience de l’équipe. « Il a fallu maintenir le moral et l’unité malgré l’incertitude. Nous avons eu beaucoup de chance d’être entourés de personnes qui souhaitaient se battre à nos côtés, avec qui nous partagions des valeurs fortes de combativité, d’esprit d’équipe, de résilience et de confiance.»

Réinvention et adaptabilité

La crise de l’immobilier a été un tournant pour Kaptcher, mettant à l’épreuve sa capacité d’adaptation et d’innovation. Guillaume détaille les stratégies mises en place pour surmonter cette période difficile.

 

« Nous avons choisi de nous concentrer sur la performance de notre produit. Nous avons amélioré notre technologie pour qu’elle soit plus efficace et plus rentable pour nos clients : comment l’outil peut-il faire plus avec moins ?  ».

 

Face aux nouvelles contraintes, Kaptcher a dû optimiser ses processus internes pour gagner en efficacité. « Nous avons revu toutes nos procédures pour identifier les points de friction et les améliorer. Nous avons également développé et investi dans des outils d’automatisation pour réduire le temps passé sur des tâches répétitives. »

 

L’équipe de Kaptcher a montré une grande flexibilité et capacité d’adaptation. « Tout le monde a mis la main à la pâte avec beaucoup de bonne volonté, je suis très reconnaissant des efforts de chacun, notamment de tous ceux qui ont pris en main des sujets qui n’étaient pas à l’origine de leur ressort. En termes d’organisation, on retrouve le Kaptcher d’avant la levée,  mais on mesure aussi les progrès : on fait tellement plus qu’il y a 1 ou 2 ans avec une équipe équivalente en nombre. » Cette polyvalence a permis de répartir les tâches de manière plus efficace et de maintenir la productivité malgré les défis.

 

La crise a également été l’occasion de diversifier les marchés cibles et les fonctionnalités de Kaptcher. « Nous avons relancé une customer discovery pendant plusieurs mois, à plusieurs reprises. L’objectif était de reparler à des gens sans chercher à leur vendre des solutions mais de comprendre leurs besoins. Notre credo chez Kaptcher c’est d’être au contact du marché et de ne jamais perdre ce contact. Nous avons commencé à parler à des acteurs de l’industrie avec qui nous n’avions pas l’habitude de collaborer. Cela nous a poussé à nous poser les bonnes questions et à être inventif, mais aussi permis de découvrir de nouvelles opportunités et de rester compétitifs. » Cette diversification a été cruciale pour Kaptcher, lui permettant de trouver de nouveaux débouchés et de renforcer sa résilience.

Une vision d’avenir

Pour l’avenir, Kaptcher souhaite rester aux côtés des acteurs de l’immobilier. « Nous voulons aider nos clients à traverser cette crise et à préparer la sortie. Je suis confiant dans la résilience de l’industrie immobilière, c’est une industrie essentielle et le besoin de logement ne va pas disparaître. »

 

Guillaume reste convaincu de l’importance d’un modèle économique sain. « Nous avons toujours prôné une croissance basée sur la rentabilité. Contrairement à certains modèles très consommateurs de cash, nous avons toujours cherché à créer une entreprise durable et rentable. Malgré la crise, je pense que le Kaptcher d’aujourd’hui est beaucoup plus solide que le Kaptcher d’il y a un an. Nous avons testé beaucoup, écarté ce qui devait l’être et concentré nos efforts sur ce qui créait le plus de valeur pour nos clients. ”

 

 Même en période de crise, il est crucial de maintenir une vision ambitieuse. « Nous avons toujours voulu faire quelque chose d’ambitieux, mais sans être dépensiers. Notre objectif est de continuer à innover et à améliorer notre produit pour répondre aux besoins de nos clients. »

 

En anticipant la sortie de crise, Kaptcher se positionne pour être un acteur clé de la reprise du marché immobilier. « La crise va encore prendre du temps à se résorber, mais nous voyons déjà des signes positifs. Les taux directeurs de la BCE diminuent, les banques commencent à revenir sur le marché du prêt immobilier, les transactions reprennent, vendeurs et acheteurs retrouvent peu à peu confiance. » Guillaume insiste sur l’importance de commencer dès maintenant à préparer les projets qui seront réalisés dans les prochaines années. « Dans la mesure où il faut maintenant de 18 à 24 mois pour lancer un projet de construction de logements, les programmes immobiliers de la sortie de crise sont ceux qui sont développés aujourd’hui. »

 

« La durée des projets immobiliers est longue. Les décisions que nous prenons aujourd’hui auront un impact dans deux à trois ans. Il est donc crucial de ne pas attendre la fin de la crise pour agir. » Guillaume met l’accent sur la nécessité d’anticiper et de planifier à long terme, même en période d’incertitude pour être prêt lorsque le marché reprendra.

Conseils aux futurs entrepreneurs

Malgré les défis, Guillaume encourage les futurs entrepreneurs à se lancer. « Il n’y a jamais de bon moment pour monter sa boîte. Il faut se lancer quand on en sent l’appel. Il est crucial d’être clair sur son ambition, sur celle de ses associés et sur les objectifs que l’on se fixe. »

Il conclut sur une note d’encouragement. « Chaque défi est une opportunité d’apprentissage. Même en période de crise, il y a des opportunités. La clé est de rester adaptable,résilient, humble, lucide et déterminé. »

 

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